La réutilisation des eaux et le développement de la réutilisation des eaux non conventionnelles répondent à des enjeux écologiques pour s’adapter au stress hydrique lié au changement climatique», expose Romain Bayetti, directeur technique d’Ecofilae, cabinet conseil expert dans la réutilisation des eaux non conventionnelles.
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Directeur Technique Ecofilae
L’enjeu de l'eau n’est pas seulement écologique, il est aussi économique.
« Ce levier a été rappelé dans le plan Eau lancé par le président de la République en mars 2023, avec des objectifs affichés de réutilisation (1 000 projets pour 2027, multiplication par 10 des volumes d’eau réutilisés d’ici à 2030…) », illustre-t-il. L’enjeu n’est pas seulement écologique, il est aussi économique : « L’eau est nécessaire pour sécuriser industrie et agriculture. La réutilisation des eaux permet d’économiser l’eau conventionnelle qui sert à produire l’eau potable. Autre enjeu économique, il y a des technologies pour traiter l’eau, et une expertise à développer autour de ce marché. Un certain nombre de pays soumis à un important stress hydrique sont en avance sur la France : États-Unis, Australie, République populaire de Chine, Israël, Espagne… Il faut défendre nos intérêts à l’international pour gagner des places de marché sur les technologies de traitement, le stockage, la distribution… », ajoute Romain Bayetti. Mise en place à l’été 2024, la commission de normalisation Recours aux eaux non conventionnelles porte sur la réutilisation des eaux de pluie, eaux grises, eaux épurées produites par les stations de traitement, eaux de ruissellement urbain, eaux souterraines, de nappes non potables, eaux saumâtres, eaux issues du dessalement, eaux d’exhaure, etc.
Tous les secteurs, domestiques et non domestiques (urbains, agricoles, industriels…), sont potentiellement concernés. La CN rassemble à cette heure près de 70 experts : « les usagers (ceux qui ont besoin d’eau, les industriels, les collectivités, les fédérations liées aux loisirs), les fournisseurs de technologies (de traitement, de suivi, d’analyse…),les bureaux d’études qui accompagnent les porteurs de projet, les ministères (Environnement, Santé, Agriculture), les Dreal et DDT(1) qui instruisent les dossiers, des organismes parapublics comme le CSTB ou l’Astee (2)… », détaille Romain Bayetti.
« Un état des lieux des normes existantes a été établi afin d’aider les experts à déterminer les priorités, explique Adélie Massimba-Makouela, chef de projet à Afnor Normalisation. Un groupe ad hoc en charge de la feuille de route réfléchit à la structuration de la commission avec la création de plusieurs groupes de travail. » Les groupes de travail doivent répondre à une logique réglementaire et à une logique de maîtrise des risques, afin de traiter à la fois les problématiques technologiques et méthodologiques. « Quand on parle de mobilisation d’eau non conventionnelle, le frein peut être technique, mais surtout économique: le coût des traitements est proportionnel au risque que l’on est prêt à prendre, indique Romain Bayetti. S’il faut atteindre une qualité eau potable, cela coûte cher. Le levier est la maîtrise du risque sanitaire et environnemental – surtout sanitaire – et c’est très lié à la réglementation. » Une réglementation jugée complexe.
Tous les secteurs, domestiques et non domestiques (urbains, agricoles, industriels…), sont potentiellement concernés.
« On a besoin de clarification. Pour ce faire, il faut avancer sur la maîtrise des risques sanitaires. Si on arrive à normaliser des méthodes d’évaluation des risques, ça aidera grandement à l’instruction des dossiers et au déploiement des projets », considère-t-il. Le groupe ad hoc a proposé la mise en place de quatre groupes de travail. Le GT 1 sera dédié à l’habitat individuel et collectif et aux établissements recevant du public (ERP), là où les usages sont en contact direct avec le grand public ; le GT 2 aborde les territoires – usages agricoles, loisirs(stades, golfs), usages urbains (lavage de voirie) ; le GT 3, l’industrie et le secteur tertiaire (obligation de protection des travailleurs) ; le GT 4, transversal, la terminologie, les méthodes d’évaluation des risques et les technologies de traitement. « Ce rôle sera finalement assuré par le GM 50 Utilisation des eaux usées traitées », indique Adélie Massimba-Makouela.
Lors de la première réunion de la commission, il a été acté qu’elle reprenait les travaux auparavant suivis par le GE 2 Recyclage de l’eau de la CN Activités de service dans l’alimentation en eau potable et dans l’assainissement et le GM 50 Utilisation d’eaux usées traitées de la CN Assainissement. Elle est donc appelée à travailler sur des aspects variés : les principes de conception, de construction, d’installation, de fonctionnement et de maintenance des installations de recours aux eaux non conventionnelles ; la qualité de ces eaux (paramètres et méthodes de test, sans valeurs seuils) en fonction des usages ; les performances des systèmes de traitement ;l’évaluation et la gestion des risques en fonction des applications ; la gestion de la perception publique (acceptabilité de l’usage des eaux non conventionnelles)…
La commission est aussi chargée de suivre les travaux menés à l’échelle internationale, au sein du comité technique Iso/TC 282 Recyclage des eaux et de ses sous-comités, et à l’échelle européenne, dans le groupe de travail Cen/TC 165/WG 50 Utilisation d’eaux usées traitées. « Elle doit déterminer sa stratégie dans ce cadre », relève Adélie Massimba-Makouela.
Présidé par Israël, animé par la République populaire de Chine, l’Iso/TC 282 est déjà l’auteur d’une soixantaine de normes, qui ne sont pas toutes reprises dans la collection française. La France réfléchit au lancement d’un comité technique européen dédié, qui permettrait de répondre plus justement aux enjeux spécifiques des Européens et à leurs problématiques.
(1) Dreal : Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement ; DDT : Direction départementale des territoires.
(2) CSTB : Centre scientifique et technique du bâtiment ; Astee : Association scientifique et technique pour l’eau et l’environnement.

Sommaire du dossier
- La sobriété pour remédier au stress hydrique
- Recours aux eaux non conventionnelles : la commission française prend ses marques
- Réutilisation des eaux usées : un panorama du Trésor
- Iso 46001, la clé pour une gestion de l'eau sous contrôle
- Industriels : l'eau enfin considérée comme un enjeu
- La France en 2e position des pays européens les plus innovants
- Surveillance de l'eau : l'importance des capteurs électrochimiques
- Un nouvel outil d'évaluation des risques d'inondation